
Dr Jean Martin
Autour de nous, de plus en plus de concrétisations sans scrupule de la loi du plus fort. Formidables poussées brutales et libertariennes, dans le sens effrayant du « renard libre dans un poulailler libre ». Retour à la préhistoire ? Encore qu’il ne soit pas exclu, il est même probable, que l’attention à l’autre avait sa place à l’époque – ne serait-ce que parce que, ensemble, on est mieux à même d’affronter les dangers.
On voit ainsi de plus en plus de phénomènes de type rouleau compresseur anti-minorités. Parmi des volées de décisions erratiques et pour une bonne part probablement illégales (mais les tribunaux feront-ils le poids contre un président qui foule aux pieds les lois voire la Constitution ?), un exemple : il a signé un décret faisant de l’anglais la seule langue officielle du pays alors que presque un cinquième de la population parle une autre langue, surtout l’espagnol dans le Sud-Ouest et en Californie – où très souvent les documents officiels existent en espagnol aussi. La « purification linguistique », prélude à d’autres ? On sait qu’il entend aussi purifier son pays, s’agissant de la notion de genre.
Désillusions du vieil observateur – et un peu acteur – que je suis, qui pensait que nous allions dans le bon sens – que cahin caha on pouvait espérer pour tous du progrès et un peu plus d’équité. J’y pensais fin janvier, invité à parler de mon expérience dans le cadre d’un Master de l’Université de Genève. Echange substantiel avec cinquante professionnels engagés pour le bien commun en santé, à qui je ne cachais pas que la santé publique est un combat jamais gagné, contre les manœuvres très orientées des lobbys « marchands de maladies » et les inerties des institutions.
L’intervention d’une jeune femme déterminée m’a vivement touché : « Vous l’imaginez, beaucoup d’entre nous sont ici un peu pour sauver le monde »… Je me suis projeté il y a un demi-siècle quand, dans un hôpital de brousse au Pérou puis ailleurs, c’était à quoi je voulais participer. Beaucoup d’efforts, résultat bien insuffisant…. Cela étant, il est gravissime que ce que nous vivons en ce moment soit si délétère pour de tels engagements.
D’une carrière basée à l’extrême-centre, j’ai tourné militant – en toute humilité, me joignant à de jeunes forces, espérant sensibiliser les riches et puissants au bien commun (pour ces jeunes, pour mes petits-enfants – je serai parti quand les dérives du registre trumpien déploieront tous leurs effets). Refusant l’ »après moi le déluge », j’aimerais pouvoir proposer quelques pistes. Pas simple quand on voit comment les démocrates états-uniens restent dans la stupeur, comme paralysés devant ce qui se passe. Et je ne sais pas vraiment quoi dire à part, comme notre ami le Prix Nobel Jacques Dubochet, « ON CONTINUE ! »
Un anniversaire qui compte et qui, quand même, encourage !
Il y a un an, le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, organe du Conseil de l’Europe, émettait un arrêt historique condamnant la Suisse pour son manque d’action climatique. Donnant raison aux Aînées pour le climat, co-présidées par la Genevoise Anne Mahrer, qui ont démontré que leur droit à la santé n’était pas respecté dans la mesure où elles sont menacées dans leur santé de manière disproportionnée. Le Parlement fédéral, suivi par le Gouvernement, s’est alors ridiculisé (sous l’impulsion d’un professeur de droit zurichois…) en arguant que la CEDH avait outrepassé son mandat. Réaction « du chien qui a reçu le caillou », infantile. Refusant cette décision, la droite politique en principe tellement attachée à l’Etat de droit donnait dans la désobéissance civile qu’elle reproche tant aux militant·e·s !
Début mars 2025, le Conseil de ministres du Conseil de l’Europe 2024, rejetant la prétention contraire de notre gouvernement, a confirmé que la Suisse n’agissait pas suffisamment. Surprise… la presse suisse s’est montrée remarquablement « sobre » (muette !) dans la répercussion de cette nouvelle. The Guardian par contre l’a fait le 7 mars (heureusement qu’on l’a). ON CONTINUE !
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