Menaces sur la démocratie, besoin de nouveaux récits

Dr Jean Martin
Médecin en santé publique, ancien médecin cantonal vaudois, membre de la Commission scientifique de GPclimat Suisse | Plus de publications

La jeune journaliste française Salomé Saqué, très active sur Blast, souvent en débat à « C ce soir » sur France 5, vraie militante pour les bonnes causes, notamment le climat, est bien connue depuis la parution de son livre « Sois jeune et tais-toi – Réponse à ceux qui critiquent la jeunesse  » (Payot, Paris, 2023 – récemment édité en poche).

Elle vient de publier un nouveau petit opus, « Résister » (Payot, Paris, 2024). Consacrant sa première partie à décrire de manière détaillée la très inquiétante montée de l’extrême droite en France, elle s’engage ensuite pour y résister, en traitant de la nécessaire militance, sur plusieurs créneaux, dont les enjeux climatiques, la biodiversité, etc. Bien sûr, elle n’a pas (encore) trouvé la panacée mais l’entreprise est roborative. Quelques extraits et commentaires:

Deux citations d’anciens : « Tout peuple qui s’endort en liberté se réveillera en servitude  » (le philosophe Alain en 1934).  » Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les regardent sans rien faire » (Einstein).
Saqué souligne à combien juste titre que s’intéresser à la marche du monde en dehors d’un parti politique donné, c’est aussi, évidemment, faire œuvre politique. Tout est politique, en réalité, quand on s’engage dans la vie de la cité (de la  » polis » – la ville en grec). On se préoccupe ainsi de la chose publique – la « res publica », la république. A propos de son métier le journalisme: « En tant que quatrième pouvoir, le journalisme peut et doit défendre les valeurs auxquelles les démocraties sont attachées » (p. 87).

A propos de fake news, superbe citation de Mark Twain (bien avant l’époque de la post-vérité et de ses technologies) : « Un mensonge peut faire le tour du monde le temps que la vérité mette ses chaussures » (p. 61).
Salomé Saqué plaide pour que nos sociétés ne soient pas tentées « d’essayer l’extrême droite », comme certaines en Europe semblent trop prêtes à le faire (par exemple l’Allemagne lors des toutes récentes élections). La banalisation croissante de l’extrême-droite et de ses messages (qui ne nous choquent plus comme ils le devraient) contribue à sa montée en puissance et c’est là « un cercle mortifère ».

Rappel majeur, d’Albert Camus :  » La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ». Les Suisses le savent/devraient le savoir puisque c’est en principe une des règles de ce pays. Dans une section « Savoir convaincre » (p. 91 ss.), elle traite utilement des bonnes manières d’aborder une conversation/débat avec des personnes peu intéressées, indifférentes voire fortement opposées.

Avec d’autres dont Cyril Dion, elle souligne l’importance de créer de nouveaux récits, de proposer une alternative qui ne soit pas seulement une critique, mais une révolution de nos manières de vivre ensemble. Des tentatives sont en cours mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche. Elle dit sa conviction : « Les grands bouleversements sont nés dans la tête des rêveurs. Les droits civiques, l’égalité des sexes. Des utopies devenues réalités. Alors on continue de rêver avec combativité, et on rêve grand (…) Cette réappropriation du monde par l’imaginaire, par la créativité, constitue le préalable à nos révolutions futures et la force de résistance contre les élans de repli et de haine » (p.104-109). Créer du lien est un objectif fondamental.

Soyons joyeux, dansons ! « La joie n’est pas une faiblesse, c’est un acte de résistance. Pendant que l’extrême droite ressasse le passé, on invente l’avenir ». Toutefois, on le sait, les burnouts militants, cela existe. Très bon conseil « On peut résister en prenant soin de soi comme de celles et ceux qui luttent ».

Et son mot de la fin « Ce livre a l’ambition d’être une petite pierre au pied d’un immense édifice de résistances plurielles qu’il faut consolider et inventer ». On lui souhaite de susciter d’autres telles pierres.