Dr Jean Martin
Il importe de souligner que la question de la biodiversité n’est pas simplement une préoccupation des amoureux des petites fleurs ou de la faune. Les recherches scientifiques récentes montrent combien son affaiblissement actuel a des conséquences très larges, en particulier pour notre santé.
J’ai eu l’occasion de visionner en avant-première « Vive les microbes ! », qui passera cet automne sur la RTS et d’autres chaînes francophones. Film de Marie-Monique Robin, journaliste et réalisatrice française de haut vol. Elle a marqué déjà par « La fabrique des pandémies » (2021), qui montrait dans le monde entier comment la disparition des modes de vie traditionnels, la montée de l’agriculture industrielle, l’urbanisation galopante, sont étroitement liées à l’émergence de la pandémie COVID (et à celles qui suivront très vraisemblablement – les scientifiques sonnent déjà l’alarme).
Dans « Vive les microbes! », elle se concentre sur le rôle absolument essentiel joué par notre microbiote, en fait nos microbiotes (intestinal, nasal, cutané …). Par ce terme, on parle des milliers de milliards de bactéries que nous portons (quantités qu’on peine à imaginer mais nous les hébergeons): un ensemble de microorganismes extrêmement diversifié mais que notre mode de vie actuel appauvrit gravement.
Un exemple frappant: il y a des années que, empiriquement, les pédiatres notamment se sont avisés qu’il y a beaucoup plus d’asthme et autres allergies chez les enfants des villes que chez les campagnards. M.-M. Robin, en Franche-Comté voisine et dans les pays anglo-saxons, rencontre les médecins et autres chercheurs qui le démontrent scientifiquement. Le contraste est très clair: chez ceux qui vivent dans un milieu près de la nature, à son contact, exposé à de multiples bactéries, champignons et autres « poussières », la fréquence des allergies est beaucoup plus basse que chez les citadins.
L’attention à l’hygiène a permis de grands progrès depuis plus d’un siècle mais, dit en termes bruts , sans le vouloir on est allé trop loin. Une certaine obsession pour la propreté, la crainte de se salir les mains, d’être au contact de la terre, d’humeurs variées (même de la saleté, oui) nous ont affaiblis comme collectivité. Les preuves s’accumulent que l’absence de biodiversité végétale et animale dans les milieux urbanisés, liée à la bétonisation, l’hyper-hygiénisme, l’aseptisation des logements et des aliments industriels, a des conséquences défavorables. En provoquant un appauvrissement de nos microbiotes et de leur composition, contribuant à l’affaiblissement du système immunitaire et faisant le lit des maladies chroniques – notamment les maladies métaboliques qui sont aujourd’hui un très grand souci (obésité, diabète, affections cardio-vasculaires…).
Les choses sont claires. L’ennui pourrait-on dire, c’est que tout le monde n’a pas d’intérêt à les faire connaître et à en tirer les conséquences. Je suis cynique…. plus il y a de malades, plus il y a de besoin de soins, de médicaments, de technologie etc… La mise en évidence de la baisse de la qualité de ce que nous mangeons par l’agro-industrie n’est pas une bonne nouvelle pour plusieurs. On peut penser que des puissances économiques majeures ne montreront pas d’enthousiasme devant le besoin de changer leurs pratiques, voire leurs principes.
Les faits apportés par la recherche sur les effets défavorables, pathogènes, de notre manière de vivre vont-ils recevoir l’attention qu’à l’évidence ils méritent (dans le passé, ce genre de prise de conscience a le plus souvent été lente)?. On peut croire néanmoins que l’importance fondamentale d’un milieu biologique diversifié animal et végétal, dans nos multiples activités et domaines, sera reconnue. Vite !
NB: Une fois de plus ici, il s’agit de croire ce que nous savons, et d’agir ! En matière de biodiversité comme de climat, qui sont liés. Vouloir contester les faits avérés nous reviendra au milieu de la figure. A cet égard, en période de canicule, non seulement nous devons croire mais nous vivons ce que nous savons !