Patrice Mugny
On suit année après année les combats menés par les autorités locales et nationales pour séduire et accueillir plus d’entreprises. Et leur jubilation lorsque des milliers d’emplois sont créés dans une région. Mais pourquoi et pour qui ?
Et surtout, avec quelles conséquences. Une concentration de plus en plus grande de populations, une densification intense du sol, assortie de pollutions diverses et variées. Mais de quelle qualité de la vie parlons-nous ?
Genève est à ce titre un modèle de cette course absurde. 90 % de son territoire est entouré par la France. Si cette frontière est devenue heureusement poreuse, nous sommes encore loin d’un véritable dialogue sur un développement conjoint cohérent.
Nous sommes pour l’heure et pour un temps probablement long une enclave. La législation fédérale définit des zones non bâtissables, notamment agricoles. Notre surface constructible étant inextensible, demeurent deux possibilités : soit poursuivre sans fin sa densification, soit réfléchir à un avenir plus maîtrisé.
Or, que constatons-nous ? Chaque année, si l’on compte les décès et les départs des jeunes dans la vie, Genève aurait de quoi abriter ses résident·es sans bâtir de nombreux nouveaux logements. Il en resterait même probablement un plus grand nombre de vacants. Selon les chiffres officiels, l’accroissement de notre population est due en moyenne générale pour près de 50% aux nouveaux/nouvelles arrivant·es. Des arrivant·es qui, pour nombre d’entre eux/elles, travaillent dans des multinationales et vivent avec des revenus très confortables qui leur permettent de payer des loyers que nombre de résident·es genevois·es ne peuvent plus payer. D’où une partie de l’exode de Genevois·es en France voisine.
Les logements construits chaque année ne permettent pas de loger la population actuelle et tous ces habitant·es supplémentaires. Même si nous parvenions à héberger tous·tes les nouveaux/nouvelles arrivant·es, que deviendrait Genève dans une vingtaine d’années*.
Pourquoi poursuivre ce développement insensé ? Pourquoi créer toujours plus d’emplois alors même que ceux-ci n’aboutissent pas à réduire notre taux de chômage ? Pourquoi persister à engorger nos rues et bétonner ? Pourquoi ne pas débattre posément de l’avenir de la région dans laquelle nous vivons et vivrons.
Où sont passés ces principes comme un développement mesuré et durable, une biodiversité à préserver -la Suisse est aujourd’hui la lanterne rouge sur ce plan en Europe- et développer (via justement des tampons de verdure et des arbres), une qualité de vie, une limitation des transports privés, des commerces de proximité, de vraies routes cyclables, de tangibles zones piétonnes, etc. ? Le village du Petit-Saconnex représente un emblème de ce qui vaut la peine d’être sauvé. Pourtant, même les Vert·es et les Socialistes avaient soutenu une forte densification de ce quartier.
Continuons à foncer droit dans le mur.
*Nous ne parlons pas dans notre propos des personnes fuyant les violences et pour lesquelles nous espérons toujours un accueil généreux.