Pierre Meyer
Journaliste, membre du comité de gpclimat-ge.ch | Plus de publications

l n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’élargissement du tronçon d’autoroute de quatre à six voies entre Genève et Nyon, soumis au vote populaire du 24 novembre, ne va fondamentalement rien changer au problème de saturation affectant ce secteur.



En effet, les bouchons récurrents aux heures de pointe ne vont pas disparaitre, ils vont simplement se déplacer à l’entrée, voire dans les agglomérations desservies par ce tronçon. Elargir un tuyau, pour faire passer davantage d’eau, peut sembler logique, mais encore faut-il prendre soin d’adapter également la façon dont va pouvoir s’écouler le surplus de liquide, en amont et en aval. 



Or, dans le cas qui nous occupe, ce ne sera pas possible car les voiries urbaines ne sont pas extensibles. Il est ainsi à parier que des goulots d’étranglement urbains se formeront inévitablement à chaque sortie, voire entrée de l’autoroute, soit à Genève, Coppet et Nyon. Notamment en raison du « trafic induit », qui fait que l’augmentation de l’offre autoroutière conduit inévitablement à une hausse de la demande. C’est un des effets recherchés, nous dit-on, afin de soulager les communes limitrophes empruntées par ceux qui veulent éviter les bouchons. Soit.



Mais l’effet sera assurément limité dans le temps. D’autant plus que plus un moyen de transport (infrastructure ou véhicule) permet d’aller vite, plus on l’utilise pour aller loin. Le flot des pendulaires ne fera ainsi que croître, et c’est bientôt l’ensemble de l’A1 qui sera à six voies ! Il s’agit donc bel et bien d’une fuite en avant.



Face à cette impasse, il existe pourtant nombre d’alternatives à court, moyen et long terme. A court terme, pas de solution miracle, mais il serait possible de mettre en œuvre des mesures de régulation du trafic. On sait que la création des bouchons, hors accident, est due à des différentiels de vitesse trop importants : mettre ce tronçon à, par exemple, à 60 km/heure pendant les périodes critiques pourrait améliorer considérablement la fluidité. D’autres moyens, s’appuyant sur les nouvelles technologies pourraient également être envisagés, en favorisant notamment le co-voiturage ou le recours au télétravail.



A moyen et long terme, c’est l’accroissement de l’offre de solutions alternatives à la route qui sera le plus efficace. Cela concerne en premier lieu les transports publics, auxquels une priorité absolue aurait dû être donnée. Plus efficaces, moins polluants, ils devraient constituer la colonne vertébrale du trafic pendulaire. Et plutôt que d’élargir l’autoroute, on aurait pu choisir de prolonger aussi rapidement que possible la ligne du Léman express vers Nyon, voire Gland. Le succès fulgurant du LEX, depuis son lancement en 2019, est là pour attester qu’à chaque nouvelle offre de transports publics, la demande est au rendez-vous.



A plus long terme, la question devra être abordée sous l’angle de la pénurie de logements et de la croissance économique sans fin de l’agglomération genevoise. Alors que l’idéal serait de rapprocher, autant que faire se peut, le logement et le travail, la tendance actuelle est exactement inverse. Le bassin d’emplois genevois ne cesse de grossir, alors que la capacité de logement ne suit pas et que les loyers sont inabordables, poussant les employé·e·s à se loger toujours plus loin. 



Enfin, quelle sera la place du véhicule privé en 2041, voire 2045, lorsque l’élargissement sera achevé ? Nul ne le sait, mais on peut raisonnablement penser qu’elle pourrait être très différente d’aujourd’hui, notamment en raison du développement massif des nouvelles technologies.